Il existe environ 5700 manuscrits ou fragments grecs du Nouveau Testament (NT), plus de 25000 si l’on compte leurs diverses traductions, appelés « témoins », que ce soit en syriaque1, copte, latin, arménien, éthiopien, etc. Tous sont des copies. Il n’existe aucun manuscrit « original », sans doute parce qu’il n’en a jamais existé, tant la pluralité et la diversité semblent au fondement de l’Écriture du NT, et, semble-t-il, du projet révélationnel lui-même2.
Cet ensemble constitue un réseau absolument unique pour l’Antiquité. Le plus ancien fragment d’un texte du NT, le Papyrus RYLANDS 4573, dit P52, date d’environ 125. Il y a pour l’instant 6 manuscrits connus datant du 2e s., tous des papyrus. 81 datent d’avant 300. Là encore, cette proximité entre les manuscrits et la date présumée de leur rédaction est unique dans l’Antiquité. Elle est à comparer avec les premiers manuscrits connus des Classiques grecs ou latins. Rappelons simplement que les plus anciens témoins des œuvres de VIRGILE datent du 6e s., ceux d’HORACE du 8e s, du divin PLATON du 9e s., ou d’HOMÈRE du 11e s.
Les codex de la Bible sont divisés en cinq ensembles :
♦ Les papyri (une centaine, étendus entre le 2-7e s.) sont des copies, le plus souvent en cursives, sur papyrus, i.e. sur des feuilles de roseaux collés4. L’ensemble était peu cher, mais fragile. Certains sont célèbres. Citons par exemple les papyri BODMER ou les Papyri Chester BEATTY.
♦ Les onciaux (autour de 275 connus) sont écrits à la plume, en majuscules séparées (hautes d’une once, 1/12 du pied, ou uncia, d’où le nom), sans séparation entre les mots et les phrases (scriptio continua). Le support est le parchemin (étymologiquement pergamena, ou « peau de Pergame »), i.e. des feuilles de peaux préparées (souvent de veau, de mouton ou de chèvre), puis reliées sous forme de livre. Ces codex sont à la fois solides et très onéreux, d’où, parfois, leur réutilisation après grattage (« palimpsestes »), malgré l’interdiction de cette pratique par un concile en 692. Les onciaux furent principalement réalisés dans les grandes centres intellectuels à partir du 3e siècle, bénéficiant de la légalisation du Christianisme dans l’Empire (Cf. édit de MILAN, 312), après une vague de destruction sous DIOCLÉTIEN (284-305). Certains sont très célèbres :
- Le Sinaïticus, codex grec du 4e s., de type neutre, découvert au monastère Sainte Catherine du Sinaï par Constantin von TISCHENDORF, conservé au British Museum de LONDRES. Il contient la LXX.
- L’Alexandrinus (A02), codex grec du 5e s., copié en Egypte, de type neutre, conservé à la British Library du British Museum, à LONDRES (depuis 1628), proche du grec parlé. Il contient la LXX. Il est disponible en facsimilé ici.
- Le Vaticanus (B03), codex grec du 4e s., conservé à la Bibliothèque Vaticane depuis 1475. Il contient la LXX.
- L’Ephræmi rescriptus5, codex grec de type alexandrin, conservé à la Bibliothèque Nationale de France (disponible dans l’édition TISCHENDORF, sur Gallica : ici).
- Le Bezæ Cantabrigiensis, codex bilingue (grec/latin) conservé à l’Université de CAMBRIDGE, après le don en 1581 de Théodore de BÈZE, qui l’avait acheté en 1562. Ce texte contient les 4 évangiles dans cet ordre Lc, Jn, Lc, Mt, puis les Ac et les épîtres catholiques. Il est peut-être antérieur aux grandes recensions (harmonisation) des 3 et 4e siècles. Un site lui est dédié.
♦ Les minuscules, écrits en minuscule caroline, avec séparation entre les mots, à partir du 9e s (plus de 2800).
♦ Les lectionnaires.
♦ Les versions : laVetus latina ; la Vulgate, etc.
À l’origine, les écrits bibliques ont la forme de rouleaux (Hb. = meguillah ; Lat. = volumen), ayant au maximum 10m de longueur. Le codex quadratus (livre carré) apparaît avec le Christianisme et se généralise au 4e s.
Les qualités des copies sont variables. La recherche codicologique et la critique textuelle (pratiquée par le « textualiste ») permettent :
- de déterminer les différentes versions, appelées « variantes textuelles », relevées dans « l’apparat critique » des bibles en hébreu ou en grec);
- de déterminer les erreurs (mauvaises lectures, copies erronées6, mauvaises transcriptions d’abréviations, gloses interpolées, harmonisations, corrections doctrinales allant jusqu’à la suppression de certains mots, voire péricopes entières7;
- de reconstituer les grandes lignée de manuscrits (les « stemmas »).
Malgré l’évidence, il n’est pas certain que les manuscrits les plus anciens, les plus correctes grammaticalement (un copiste intelligent est un copiste suspect !) ou les plus riches, soient les plus justes (principe du primat de la lectio difficilior).
La division très utile en chapitres et versets, bien que de lointaine origine hébraïque (les parashiyot), est très tardive, puisqu’elle ne se diffuse qu’au 13e siècle pour les chapitres (peut-être par Etienne LANGTON, vers 1205) et au 16e siècle pour les versets, en particulier avec Santes PAGNINO et Robert ESTIENNE. Rappelons également que, dans les Bibles, les titres, et donc la délimitation des paragraphes (appelées techniquement « péricopes »), sont toujours ajoutés par les éditeurs. Certains sont discutables et peuvent induire une lecture particulière.
Bibliographie :
♦ Eberhard NESTLE, Erwin NESTLE et Kurt ALAND, Novum Testamentum Græce et Latine, (27ème éd.), Stuttgart, Deutsche Bibelgesellschaft, 1999 [or. 1993], 810 p.
♦ Roselyne DUPONT-ROC et Philippe MERCIER, Les manuscrits de la Bible et la critique textuelle, CE n° 102, 1998, 67 p.
- Cf., La Vieille Syriaque, datant du 3e, puis la Peshitta, peut-être de la fin du 4e. [↩]
- Cf. Ac 2, 8. [↩]
- Codex de 9X10 cm, reproduisant Jn 18, 31-33 [r°].37-38 [v°]. [↩]
- voir PLINE l’ANCIEN, Histoire Naturelle, XIII, 21-24. [↩]
- C04 ; palimpseste, recouvert au 12e s. des 38 traités d’EPHREM. [↩]
- par exemple « homoiotéleutes », ou saut de ligne. [↩]
- Cf. Jn 7, 53- 8, 11 ou Mc 16, 9-20]. [↩]